dossier
réalisé par la commission féministe du NPA est paru dans
l’anticapitaliste hebdo du 2 mars 2017
Des
promesses et pas grand-chose au final pour les droits des femmes,
voilà ce que l’on pourra retenir du quinquennat Hollande. Le
gouvernement a reculé face aux réactionnaires sur la PMA ou les ABC
de l’égalité, les objectifs en termes de places pour la petite
enfance (pourtant encore très insuffisants) ne seront pas atteints,
les attaques contre la santé n’ont pas cessé et les centres IVG
ainsi que les maternités ont continué à fermer…
Hamon
fera sans doute de nouvelles promesses. L’avantage, c’est qu’il
est peu probable qu’il soit élu... Comme cela, on ne sera pas
déçuEs !
Le
problème, c’est que la droite et les réactionnaires
sont
à l’offensive.
Quand
on écoute Fillon sur l’IVG ou son programme de
destruction massive des services publics, on ne peut qu’être
gravement inquiet des conséquences que cela aura forcément sur les
femmes, à la fois en tant que salariées et en tant qu’usagères.
D’autant
plus que l’extrême droite n’est pas en reste, ni sur l’IVG ni
sur un salaire maternel pour encourager les femmes à rester à la
maison.
À
gauche, on n’est malheureusement pas très bien lotiEs non plus.
Ainsi
Mélenchon qui se prononce en faveur de la loi
d’interdiction de la burqa ou pour la pénalisation des clients de
prostituées, et qui dans une récente interview à un journal
chrétien de droite, ne condamne pas vraiment le mouvement de la
Manif pour tous, tenant sur l’avortement et la construction de
genre des propos pour le moins discutables.
Pourtant
dans un contexte globalement réactionnaire, nous avons besoin
d’être fortEs et uniEs pour combattre les attaques contre les
droits des femmes.
Remise
en cause de l’IVG en Espagne, dégradation de la situation en
Pologne, violences et féminicides en Amérique latine, déclarations
de Trump aux USA, de Fillon ou des Le Pen en France, du Pape...
auxquelles s’ajoutent les fermetures de centres IVG et de
maternités.
Avec
dans tous les cas, la mobilisation des femmes pour faire reculer les
gouvernements ou gagner de nouveaux droits.
L’élection
présidentielle est vraiment à l’opposé de notre façon de faire
de la politique, mais nous comptons malgré tout l’utiliser pour
défendre les idées et revendications portées par le NPA. C’est
en ce sens que nous présentons Philippe Poutou, candidat féministe
et anticapitaliste.
Les
femmes gagnent en moyenne 27 % de moins que les hommes, et occupent
80 % des emplois à temps partiel.
Elles
ont des emplois plus précaires et avec des horaires éclatés, et
sont assignées aux métiers d’aide à la personne… Il y a une
spécialisation et une hiérarchisation qui font des femmes des
travailleuses encore plus exploitées que leurs collègues masculins,
tout cela pour le plus grand bénéfice du patronat qui s’en sert
pour disposer d’une main-d’oeuvre meilleur marché, tirant ainsi
l’ensemble des salaires vers le bas en mettant les hommes et les
femmes en concurrence.
À
cela s’ajoute la dégradation générale des conditions de travail
qui pèse encore davantage sur les femmes à cause de la nature des
emplois qu’elles occupent : stress, maladies professionnelles,
burn-out, etc.
Cette
spécialisation dans certains métiers renvoie aux qualités
prétendument naturelles des femmes. Mais comment expliquer qu’une
sage-femme, qui a fait cinq années d’études et a des
responsabilités importantes, ne gagne qu’environ 2 000 euros par
mois alors qu’un médecin va gagner beaucoup plus... et sera
rarement une femme ?
Sur
un autre thème, pourquoi la législation a-t-elle tant de retard
pour encadrer le port des charges lourdes vivantes dans le cas des
soins ou l’usage des produits chimiques utilisés pour faire le
ménage ?
Des
batailles spécifiques à mener
La
répartition tellement disproportionnée des temps partiels entre
hommes et femmes arrange d’une certaine façon tout le monde : les
hommes qui se déchargent des tâches ménagères sur les femmes (80
% sont effectuées par les femmes) mais surtout l’État et le
patronat qui renvoient au cadre privé familial la prise en charge
des jeunes enfants et des personnes dépendantes, toutes les tâches
de manière générale qui concernent l’entretien des personnes,
ex, futurs ou actuellement travailleurEs...
Il
y a véritablement des batailles spécifiques à mener pour améliorer
les conditions de travail de touTEs, en particulier celles des
femmes.
Il
faut sanctionner fortement les entreprises qui ne réduisent pas
rapidement les inégalités salariales, interdire les temps partiels
imposés et les contrats précaires pour faire du CDI à temps plein
la norme, et renforcer les CHSCT, la médecine du travail, la
législation sur la pénibilité…
Et
surtout il faut réduire massivement le temps de travail sans baisse
de salaire et avec des embauches compensatoires, pour que touTEs
puissent travailler, partager les tâches ménagères, gagner sa vie
convenablement, ne s’épuisent pas au travail, et prennent le temps
de profiter et de s’impliquer dans la vie sociale et politique.
Les
femmes étrangères vivant en France affrontent une double
difficulté, en tant que femmes subissant l’oppression patriarcale
de leur pays d’origine et de leur pays d’accueil, et en tant
qu’étrangères, en butte aux discriminations et au racisme.
La
montée toujours plus insupportable de la xénophobie en France et
dans les pays occidentaux, ainsi que les durcissements successifs des
lois et règles autorisant le séjour, rendent ce problème plus aigu
que jamais.
Depuis
la fermeture des frontières aux migrations de travail en 1974, les
liens familiaux et conjugaux sont devenus déterminants pour obtenir
le droit au séjour en France soit par le mariage avec un ou une
Française, soit par le regroupement familial, soit par la
reconnaissance de la vie privée et familiale en France.
La
grande majorité des autorisations de séjour sont délivrées au
titre du regroupement familial ou en raison du mariage avec une
personne française. Les régularisations au titre du regroupement
familial concernaient il y a quelques années 80 % de femmes, avec
tout ce que cela impliquait pour elles de dépendance vis-à-vis de
la famille, du père ou du mari...
À
partir des lois Pasqua, le durcissement des conditions du
regroupement familial en termes de conditions de ressources et de
logement, a augmenté la précarité de la situation des femmes.
Celles-ci
sont venues plus souvent hors regroupement familial, et sont vouées
à rester des années et des années sans papiers et sans aucun
droits, par exemple le droit de travailler. Elles sont condamnées à
accepter les conditions de vie dictées par leur mari ou père ou
frères, et subissent
aussi
la surexploitation du travail clandestin.
Femmes
et migrantes, la double peine
Aujourd’hui
les caractéristiques de la migration des femmes a changé sous deux
aspects. En premier lieu, c’est qu’elles fuient massivement les
guerres et les violences spécifiques contre les femmes liées aux
situations de conflits.
De
plus, avec la mondialisation, un nombre croissant de femmes migrent
avec une aspiration à une vie plus indépendante et plus libre,
l’espoir d’un avenir meilleur pour elles et leurs enfants.
Elles
sont d’autant plus frappées par les mesures de fermeture des
frontières, par les conditions inhumaines d’accueil quand elles
arrivent malgré tout à passer les frontières, par l’imbroglio,
la multiplication des procédures administratives dissuasives et par
toutes les restrictions à l’obtention d’un droit au séjour.
Les
femmes qui arrivent seules, ou seules avec des enfants, sont ainsi
réduites à la galère d’une vie sans papier et sans droits. Elles
ont le choix entre subir la surexploitation du travail clandestin,
chercher un « protecteur », ou avoir recours à la prostitution.
C’est donc à l’opposé de ce qui les a motivées au départ.
Quant
aux femmes migrantes fuyant les violences sexuelles liées aux
guerres ou aux mutilations sexuelles et mariages forcés, leur sort
ne s’est pas véritablement amélioré. La loi du 29 juillet 2015
portant la réforme du droit d’asile, qui doit reconnaître l’asile
aux femmes ayant subi des violences ainsi qu’une série de
garanties tout au long de la procédure, peine à être appliquée
faute de moyens et de volonté politique.
Elle
est impactée par toutes les autres mesures restrictives concernant
l’obtention du titre de séjour dont la dernière en date est la
difficulté à obtenir le formulaire à remplir pour faire sa
demande. En effet, celui-ci est maintenant octroyé au compte-goutte
dans les préfectures avec un pré enregistrement. Une étape de
plus.
C’est
pourquoi nous demandons une individualisation des droits – non
dépendant du mari ou du père – pour l’obtention des titres de
séjour pour les femmes, des démarches simplifiées pour toutes et
tous, et des moyens pour garantir l’accès au statut de réfugiée
pour toutes les femmes ayant subi des violences spécifiques.
Quand
les services publics sont défaillants, les femmes en paient quatre
fois le prix...
Tout
d’abord pour leurs propres besoins.
Ensuite
parce qu’alors ce sont les «
solidarités familiales » qui sont
activées, donc le travail gratuit des femmes.
Elles
en paient également économiquement le prix, que ce soit en devant
payer pour un service qui n’est plus socialement pris en charge ou
en tant que salariéEs du secteur public, où les femmes sont
nombreuses et d’autant plus dans les emplois à bas salaires.
Et
force est de constater que la prise en charge socialisée des besoins
est en recul... Ainsi, la santé est particulièrement attaquée :
celle-ci doit devenir rentable, il faut maximiser les investissements
en concentrant les centres hospitaliers, en augmentant le nombre de
prises en charge par lit et par an, en augmentant le temps de travail
des personnels, etc.
Dans
cette logique, et peu importent les besoins, le nombre de maternités
en France a été divisé quasiment par trois ces quarante dernières
années, passant de 1 369 en 1975 à 518 aujourd’hui…
Cela
avec des durées moyennes de séjour qui ont aussi diminué (de cinq
jours en moyenne actuellement
alors
qu’elles étaient de huit jours en 1975).
Les
restructurations hospitalières touchent également les centres IVG,
et en une dizaine d’années ce sont 130 établissements de santé
pratiquant l’interruption volontaire de grossesse qui ont fermé.
Pour les femmes, il en résulte de réelles difficultés à accéder
à l’IVG dans les délais, avec aussi de grandes disparités
géographiques.
Pour
le développement
et
la gratuité de la
socialisation
des tâches
La
prise en charge des enfants relève encore très majoritairement des
femmes. Ce sont elles qui jonglent entre horaires de travail salarié
et horaires d’école. Et l’on sait que le fait d’avoir des
enfants joue pour beaucoup dans les carrières des femmes.
Dans
un couple hétérosexuel, ce sont les mères qui réduisent, voire
arrêtent, leur activité professionnelle pour prendre en charge
l’éducation des enfants. Et c’est d’ailleurs dans un objectif
d’égalité femmes-hommes que François Hollande avait engagé un
plan de création de 275 000 nouvelles places d’accueil des jeunes
enfants, dont 100 000 en crèche.
C’était
déjà presque deux fois moins que la promesse électorale qu’il
avait faite lors de la primaire socialiste de 2012 (500 000 nouvelles
places). Las, aujourd’hui, ce chiffre n’est pas atteint, et il
reste toujours aussi difficile (et coûteux) de trouver une solution
de garde pour les enfants de moins de trois ans.
Ce
sont aussi très majoritairement les femmes qui pallient les manques
de services publics pour les personnes âgées
et/ou dépendantes.
Ainsi,
ceux que l’on appelle les « aidants familiaux » sont à 75 % des
femmes, et elles y consacrent en moyenne cinq heures par jour...
Il
faut que cesse la destruction des services publics.
La
seule solution juste et égalitaire est au contraire le développement
et la gratuité de la socialisation des tâches. Cela passe notamment
par un véritable service de la petite enfance, le développement de
structures et services publics pour les personnes âgées et/ou
dépendantes, et un service public de la santé de qualité et
accessible à touTEs.
En
France, environ 84 000 femmes entre 18 et 75 ans déclarent être
victimes d’un viol ou d’une tentative de viol chaque année.
Parmi
elles, seule 1 sur 10 dépose plainte… et seulement 10 % des
plaintes donnent lieu à une condamnation !
Dans
les trois quarts des cas, les agresseurs sont connus de la victime,
ce qui va complètement à l’encontre de la peur de la rue que l’on
inculque aux filles dès le plus jeune âge : il est beaucoup plus
probable d’être agressée chez soi par son conjoint ou son ex que
par un inconnu dans la rue.
Ce
qui n’empêche pas que la violence est également largement
répandue dans l’espace public, dans la rue ou au travail : 100 %
des femmes disent avoir été victime de harcèlement ou de violences
dans les transports en commun ; 80 % subissent des comportements
sexistes au travail, 60 % ont été victimes d’avances répétées
malgré leur refus, 25 % des agressions sexuelles et 10 viols par
jour se déroulent sur les lieux de travail...
Ces
chiffres dramatiques s’expliquent par le caractère foncièrement
sexiste et patriarcal de la société. Les violences faites aux
femmes sont largement tolérées voire encouragées. Il n’y a qu’à
regarder les panneaux publicitaires sur lesquels des femmes soumises
à des hommes sont des arguments de vente de voiture, de parfum, etc.
L’affaire
Jacqueline Sauvage est également révélatrice du sexisme
profondément ancré dans les institutions, notamment la justice.
Agir
concrètement
Dans
le sillage de la Manif pour tous, on a également vu une
recrudescence des violences lesbophobes, biphobes, transphobes ou
homophobes. Celles-ci font partie d’un système global d’injonction
à se conformer à la norme hétérosexuelle.
Par
ailleurs, on commence à parler de plus en plus des violences
médicales que subissent les femmes, en particulier lors des
accouchements. Ce sujet, complètement tabou jusqu’ici, émerge via
les réseaux sociaux et les témoignages de victimes.
Pour
combattre réellement les violences,
il
faut des moyens pour des
actions
concrètes :
*Des
logements pour accueillir les femmes victimes de violences, y compris
avec leurs enfants.
*Des
subventions pour les associations qui aident les femmes.
*Des
formations pour l’ensemble des professionnelEs qui accueillent les
victimes (services sociaux, santé, justice, police…)
*Des
moyens pour que la justice traite les actes de violences sexuelles
dans des conditions et des délais satisfaisants.
*
Une formation non sexiste et à l’écoute des patientEs pour tous
les personnels de santé.
*Des
formations pour toutes celles et ceux qui jouent un rôle direct dans
la construction de genre (journalistes, enseignantEs, responsables de
programmation dans les médias, etc.).
*Des
obligations renforcées à combattre le sexisme au sein des
entreprises et des sanctions pour celles qui ne le ferait pas.
*Une
éducation non sexiste et respectueuse du corps de chacunE, qui
encourage l’épanouissement de chacunE à travers une sexualité
non normée.
Cet
été, les arrêtés sur les burkinis ont fait l’actualité. S’ils
étaient évidemment islamophobes, ils s’attaquaient aussi au droit
des femmes à disposer de leur corps… cela sous le prétexte de
défendre le droit des femmes !
Ainsi,
nous avons pu voir des policiers obliger des femmes à se dévêtir…
Trop habillée ou pas assez, toutes les injonctions concernant les
façons de se vêtir des femmes, nous montrent avec force que, depuis
plusieurs années maintenant, notre droit à disposer de nous-mêmes
et a fortiori de nos corps, est de plus en plus remis en cause.
Ce
contrôle du corps des femmes reste un enjeu majeur dans le cadre de
cette société, capitaliste et patriarcale, car derrière ce
contrôle, c’est tout un ordre social qui est en jeu. Ce
quinquennat a été marqué par la sortie dans la rue des
réactionnaires. Le cycle des Manifs pour tous a touché en premier
lieu les personnes LGBTI, mais aussi l’ensemble des femmes,
qu’elles soient lesbiennes bi ou hétéros.
Car
en agitant partout la « théorie du
genre », c’est une idéologie
réactionnaire qui a gagné en hégémonie, en ravivant le modèle de
la femme soumise à l’homme, de la femme mère au foyer, s’occupant
des enfants...
En
cédant aux réactionnaires, d’abord en reculant sur la PMA, puis
sur les ABC de l’égalité, le gouvernement Hollande aura encouragé
le retour à l’ordre moral que prônent la droite et l’extrême
droite.
En
termes d’émancipation sexuelle, pendant ce quinquennat nous avons
stagné, voire plutôt régressé…
Le
mariage pour tous était censé aller dans le sens de l’égalité
entre touTEs, permettre à chacunE de vivre sa sexualité comme il ou
elle l’entend…
En
refusant la procréation médicalement assistée à toutes les
femmes, le gouvernement montre bien une inégalité de fait. Il
participe à faire croire que pour être une bonne mère, il faut
être en couple avec un homme.
Exit
les femmes seules, et exit les lesbiennes…
Défendre
nos droits,
et
en conquérir de nouveaux
Les
fermetures de nombreux centres d’interruption volontaire de
grossesse, mais aussi le manque de subventions des plannings
familiaux, remettent sans cesse en cause la possibilité de choisir
un moyen de contraception, ou de pouvoir avorter. Si la suppression
du délai de réflexion est clairement une avancée, le délai pour
pouvoir avorter est bien trop court, surtout quand on voit le nombre
de semaines nécessaires pour obtenir un rendez-vous pour une
consultation.
Ce
sont les combats féministes qui ont permis d’arracher notre droit
à disposer de notre corps en termes de contraception, d’avortement,
de sexualité.
Nous
devrons continuer de nous battre pour pouvoir conserver ces droits,
mais surtout en gagner de nouveaux, car ces derniers sont loin d’être
suffisants.
C’est
pourquoi nous voulons faire entendre une voix féministe et
anticapitaliste dans cette campagne autour de revendications qui
réaffirment le droit des femmes de disposer de leur corps :
*L’avortement
et la contraception libres, gratuits et accessibles, des centres IVG
partout sur le territoire. Nous voulons que ces centres soient
séparés des maternités afin d’arrêter de culpabiliser les
femmes, ainsi que l’allongement du délai légal de l’IVG à 24
semaines.
*
L’accès à la procréation médicalement assisté pour toutes les
femmes, incluant les lesbiennes, bisexuelles et les femmes
célibataires.
*Une
éducation non sexiste, incluant un accès à une éducation à la
sexualité qui soit non sexiste et non hétéronormée.
*
Des subventions à hauteur des besoins pour les plannings familiaux.